Extraits des Affiches du Poitou

Les albinos

Autre lettre, écrite de Civray.
Je vous ai parlé, M., d'une famille aux Cheveux blancs & aux Yeux rouges, qui habite cette contrée, & j'ai promis de vous faire part de mes recherches à ce sujet ; je vous tiens parole. Je me suis transporté moi-même sur les lieux, afin de pouvoir mettre plus d'exactitude dans mon récit. C'est au village de Chez-Bernardeau, paroisse de Champniers, à une lieu & demie ce cette ville. J'y ai vu ces trois enfants extraordinaires, deux garçons & une fille, & j'ai questionné leur mere. Voici le résultat de mes observations & de ses réponses.

Ces enfants sont d'une médiocre stature ; ils sont cependant assez gros & bien constitués. L'aîné, âgé de 20 ans, n'a pas pieds & demi ; leurs paupieres, leurs sourcils, leurs cheveux sont blancs comme la neige, & ils avoient cette couleur dès leur naissance ; ils voient assez difficilement ; le grand air paroit les fatiguer au point qu'ils sont obligés de fermer presqu'entiérement les yeux, lorsqu'ils levent la tête & veulent fixer quelque objet. La structure de leurs yeux est singuliere ; la partie que l'on nomme l'Iris, & celle appellée la Prunelle, sont entièrement d'un rouge couleur de rose ; le blanc de l'œil est comme à l'ordinaire.
J'ai observé souvent que les lapins blancs avoient les yeux de la même couleur, Je serois fort curieux de savoir pourquoi la couleur rouge est dans cette partie une suite de la couleur blanche des cheveux de l'homme & des poils du lapin, car je ne crois pas qu'il en soit ainsi dans les autres especes d'animaux. Les yeux bleus sont communément avec des cheveux blonds, & les yeux noirs avec des cheveux noirs. Il résulteroit delà que chaque couleur de cheveux auroit une couleur affectée pour les yeux. Quelque Médecin devroit s'expliquer sur ce sujet, & tâcher de découvrir les causes qui ont pu faire que les enfants dont je parle, ont les cheveux blancs.
Il se trouve dans ce phénomene de génération une circonstance qui le rend encore très-extraordinaire ; c'est que Françoise Chauveau, veuve de Pierre Bernardeau, mere de ces enfants, en a eu d'autres de ce même homme qui ont les cheveux noirs & sont en tout semblables aux autres hommes. Le mêlange alternatif qui se trouve dans leur naissance, offre encore quelque chose de singulier. Le premier & le second furent aux cheveux blancs ; le troisieme & le quatrieme aux cheveux noirs ; le cinquieme les eut blancs ; le sixieme noirs & le septieme blancs ; le quatrieme & le cinquieme sont deux filles ; le premier & le sixieme sont morts. Bernardeau avoit 50 ans lorsqu'il se maria en secondes noces avec Françoise Chauveau, qui étoit pour lors âgée de 27 ans. Il avoit les cheveux d'un châtin clair, & les yeux d'un bleu pâle ; ceux de sa veuve sont de la même couleur ; il est mort après 12 ans de ce deuxieme mariage ; il avoit eu dix enfants de sa premiere femme, dont aucun ne présentoit rien d'extraordinaire. Le nom de cet homme & celui du village, qui sont les même, annoncent que sa famille habite depuis long-temps ce pays ; c'étoit un laboureur fort peu à son aise ; sa veuve est pauvre ; deux des enfants, qui ont les cheveux blancs, mendient ; celui qui est âgé de 20 ans, préfere de travailler à la terre, autant que la foiblesse de sa vue peut le lui permettre. Lorsque j'arrivai dans le village, je le trouvai qui travailloit dans un jardin, & je l'avois distingué de très-loin à sa chevelure qui est fort épaisse.
Affiches du Poitou, n° 25, du 24 Juin 1773, page 98

Heureux événement MÉDECINE Chizé

AVIS DIVERS. On nous écrit des environs de Chizé (Haut Poitou,) qu'une femme mariée depuis 18 ans, & qui jusqu'à ce jour n'avoit donné aucun signe de fécondité, se trouve enceinte, & qu'elle n'a jamais joui d'une meilleure santé, que depuis qu'elle se reconnoît dans cet état. Un pareil fait pourra paroître minutieux à quelques Lecteurs ; mais il peut faire naître quelque espoir dans le cœur des époux, qui après une union de plusieurs années, commencent à déserpérer d'avoir de la postérité. On sait que Louis XIV, naquit après 22 ans de stérilité d'Anne d'Autriche.
ADP, n° 25, du 24 juin 1773, page 99

Guérison miraculeuse MÉDECINE St Hilaire

AVIS DIVERS.
Une lettre écrite de St Hilaire, en Bas-Poitou, le 10 de ce mois, porte que M. Moreau, Vicaire de cette paroisse, étant tombé en appoplexie il y a quelques jours, fut jugé mort par tous ceux qui furent témoins de cet accident ; heureusement M. des Ronchamps, Lieutenant de la Maréchaussée à Montaigu, survint, & fit faire sans délai une legere contusion à la tête & sur l'estomac de ce Prêtre : ce qui le rappella à la vie. On ne sauroit trop s'empresser de publier cette méthode contre les suites de l'appoplexie. M. de Ronchamps l'a fait employer plusieurs fois avec le même succès.
ADP, n° 25, du 24 juin 1773, page 99
Commentaire : Là où les médecins échouent, voyez les gendarmes !

Le Cerf et la Jument, le Pigeon et la Poule

ZOOLOGIE St Pierre du Chemin ; Poitiers
AVIS DIVERS
On écrit de la Melleraye, près la Flocelliere, en Bas-Poitou, qu'un particulier de la ville de Puzauges, étant allé l'année derniere passer quelque temps au bourg de St Pierre-du-Chemin, a vu deux fois un cerf en accouplement avec sa jument qui paissoit dans un champ, & que de cette union est né un animal qui tenoit beaucoup plus du cerf que du cheval, & qui n'a vécu que deux jours ne pouvant teter. On ne nous donne pas d'autres détails.
On nous assure qu'il y a actuélement dans une maison de Poitiers un pigeon & une poule, qui vivent constament & fidélement ensemble depuis dix-huit mois, comme feroient deux animaux de la même espece, des deux sexes, & que l'un & l'autre ont même comme renoncé respectivement à la société des animaux de leur propre espece, quelque soins que l'on ait pris pour tâcher de les y ramener.
ADP, n° 25, du 23 juin 1774, page 112

Foudre à Montazay

MÉTÉO Civray ; Savigné
Extrait d'une Lettre des environs de Chaunay
Le tonerre tomba la nuit du Dimanche au Lundi, 5 de ce moi, sur la fui du Couvent des Dames Religieuses de Montazay, Ordre de Fontevrault, près Civray. Il tua presque tous les pigeons ; les uns furent mis en morceaux comme si on les avoit coupés avec un Couteau ; les autres furent seulement étoufés : mais ce qu'il y eut de singulier, c'est que parmi ceux-ci il s'en trouva qui avoient été si exactement plumés qu'il ne leur restoit pas une seule plume. La foudre ne fit que très-peu de dérangement à la couverture de cette fuie ; mais en sortant elle alla fraper contre les murs de clôture des Religieuses, & en renversa six toises, de façon qu'il ne restoit pas une seule pierre en place : quelques-une même furent calcinées. L'orage fut si violent pendant cette nuit, qu'on a dû s'en apercevoir dans plusieurs cantons.
ADP, n° 25, du 22 juin 1775, page 107

Asphyxie dans un puits Médecine Châtellerault

Extrait d'une Lettre de Châttellerault
On vient de guérir en cette ville un Asphyxique, par les traitements si recomandés depuis quelques années ; le fait suivant est une nouvele preuve du mérite de cette méthode. Le 2 du présent mois (Juin) des Maçons descendirent dans un puits que l'on vouloit rendre plus profond ; le fonds qu'ils essayerent de creuser, étoit d'un roc qui exhaloit une vapeur bitumineuse & qui les incommodoit notablement. Ils voulurent y remédier, mais quel fut ce remede ? Il fut pire que le mal ; ils y firent brûler du charbon ; sa vapeur réunie à celle qui sortoit du roc, rompit tellement le ressort de l'air, qu'un d'eux s'y trouva très-mal, & en fut retiré par le nommé Minoret ; mais celui-ci y étant descendu une seconde fois pour prendre ses outils, y tomba dans une telle Asphyxie, qu'il en fut retiré comme mort. Celui qui étoit allé le chercher, avoit failli éprouver le même sort, & eut de la peine à lier ledit Minoret pour le faire sortir du puits. On appela au secours de l'Asphyxique M. Justeau, Chirurgien de l'Hôpital, & M. Dupré son neveu, Chirurgien nouvèlement arivé de Paris, lesquels ayant trouvé les vaisseaux du malade extrêmement engorgés, & sur-tout ceux de la tête qui en étoit très-boufie, lui firent deux copieuses saignées, employerent la fumigation de tabac par le nez & par la bouche, lui administrerent des frictions seches sur tout le corps, & le placerent sur le côté, au grand air, la tête inclinée pour faciliter le dégorgement de la poitrine : ce qui s'opéra en effet par l'expulsion de quantité de phlegmes sanguinolens qu'il rendit par la bouche & par le nez, & lui procura successivement, dans l'espace de deux heures, une entiere connoissance. On lui a administré pendant deux jours la limonade & une dose d'ipécacuana, qui l'on conduit à parfaite guérison.
ADP, n° 25, du 22 juin 1775, page 106

Bonne année pour les récoltes

Météo
Coup d'œil sur les Campagnes
Elles présentent actuélement le spectacle le plus agréable & le plus intéressant. La végétation est parvenue presque par-tout, en peu de jours, au degré qu'une sécheresse de trois mois l'avoit empêché d'atteindre. Presque toutes les productions sont dans leur état naturel pour la saison. La nature fait ses progrès acoutumés dès qu'elle peut reprendre son énergie. Un proverbe populaire dit, année de jardin (c'est-à-dire, année pluvieuse) année de gredin (c'est-à-dire, mauvaise récolte) année de sécheresse, année de richesse. En effet douze heures de pluie réparent plutôt un champ desséché par la chaleur ou par les vents, que ne font huit sécheresse, des champs inondés. Nous sommes très-heureux que la saison se soit comportées ainsi ; s'il avoit plu plutôt, comme toutes les nuits ont été fraiches, il y auroit eu de la gelée, & les productions étoient perdues. Toutes les bonnes terres, les terres fortes, les terres humides n'ont point soufert. La pluie qui a relevé nos espérances dans les terres maigres, étoit douce, chaude, bienfaisant ; elle est tombée par intervalles ; il est vrai que le sort des près hauts est décidé, la fauchaison est commencée, & il y a peu d'herbes ; mais les pluies nous promettent des regains abondans : ce sera un dédomagement. Quant aux grains, la sécheresse les a sauvé des herbes nuisibles qui gènent leur végétation & s'opposent à leur accroissement ; ils sont nets ; c'est un bien. Le grain ménaçoit d'être petit & maigre ; la pluie l'a fait déja grôssir. En totalité les grains seront de bonne qualité, ils se conserveront mieux & rendront plus de farine, qu'ils ne font dans les années pluvieuses. Ainsi la Providence qui veille à tout, remplace l'abondance par la qualité. Quoiqu'il en soit, la récolte sera bonne, s'il ne survient pas d'accidens. Les vignes sont en pleine floraison ; plusieurs l'ont déja passé ; il y a du verjus dans des espaliers. Le prix des grains va baisser partout, & celui des bestiaux remonter à proportion. (Du 18 Juin).
ADP, n° 25, du 22 juin 1775, page 108