(Bernard Gildas, répertoire de la série R, Archives de l’Aube)

ORIGINE (18e siècle)

François Dumouriez-Dupérier, secrétaire de la Comédie Française, qui avait vu fonctionner en Hollande des pompes que Van der Leyde avait munies de tuyaux de cuir permettant de lancer l’eau à de grandes distances, obtient de Louis XIV le privilège de la fabrication exclusive de pompes pendant 30 ans (2). Il est le créateur du corps de pompier de la ville de Paris et fit d’abord 16, puis 33 pompes. Elles étaient remisées 20 rue Mazarine (hôtel des Pompes). La capitale avait 80 pompiers en 1764, 280 en 1783.

LE SERVICE INCENDIE, DÉPENSE COMMUNALE

 

La Révolution fixa que le service des pompiers des villes était un objet de dépense locale (3), ce qui fut repris par le décret du 11 frimaire an VII (01/12/1798) (4). Ce principe est toujours en vigueur. C’est pourquoi les dépenses concernant ce corps sont à chercher dans la série O des archives départementales.

LES POMPIERS DE PARIS

Les pompiers de Paris, casernés depuis 1795 (5), furent organisés par le Premier Consul en 1801 (6), sous forme de gardes pompiers qui devinrent en 1811, après l’incendie de l’ambassade d’Autriche, le corps des sapeurs-pompiers de la ville de Paris (7). Son effectif était porté à un bataillon. En 1821 il sera rattaché à l’armée (8).

DANS LES DÉPARTEMENTS

En 1815, le service incendie était presque inexistant dans les départements. Le ministre de l’intérieur constatait : « Presque toutes les communes de quelque importance, possèdent des pompes et des ustensiles propres à porter des secours ; mais l’expérience a démontré que ces machines, dirigées par des hommes inexpérimentés, se dégradaient promptement et ne produisaient pas les effets qu’on devait en attendre. En conséquence, quelques villes ont demandé la formation de corps de pompier, et il y a été pourvu ; dans plusieurs autres, l’organisation faite par les services des magistrats n’a point été confirmé par le gouvernement, et n’a, par conséquent, aucune garantie de sa stabilité ; enfin il en est un grand nombre où le service n’est pas encore organisé ». (9).
Le ministre demande aux préfets de lui désigner les communes dans lesquelles ils croyaient bon de créer un corps de pompiers. Afin de prévenir les vices de forme dans les projets, il précisait que les règlements constitutifs des compagnies seraient rédigés par les maires. Celles-ci dépendraient directement de l’autorité municipale. Les maires auraient la désignation des pompiers, mais les officiers et les sous-officiers seraient nommés par les préfets. Un uniforme complet n’était pas nécessaire, mais il fallait un signe de reconnaissance (casque, écharpe au bras, médaille, etc.). Cette circulaire allait servir de base à de nombreuses constitutions de corps de pompiers. La Restauration vit leur éclosion.

LES POMPIERS, GARDES NATIONAUX (1831 – 1871)

Louis-Philippe réorganisant la garde nationale y fait entrer les sapeurs-pompiers : « Partout où il n’existe pas de corps soldé de sapeurs-pompiers, il sera, autant que possible, formé par la conseil de recensement des compagnies ou subdivision de compagnie de sapeurs-pompiers volontaires, faisant partie de la garde nationale. Elles seront composées principalement d’anciens officiers et soldats du génie militaire, d’officiers et agents des ponts et chaussées et des mines, et d’ouvriers d’art ». (10)
De 1831 à 1871, les pompiers seront des gardes nationaux, et, dans bien des petites communes, tous les gardes nationaux seront pompiers. En 1851, une enquête du ministre de l’intérieur fera apparaître que 275 communes de l’Aube ont des pompiers (11). Toutes les compagnies étaient organisées en vertu de l’article 40 de la loi du 22 mars 1831 et faisaient partie de la garde nationale, aucune n’étant organisée en dehors de celle-ci. Il n’y avait pas de bataillon, mais 18 compagnies, comprenant au total 6 557 hommes (12).
Napoléon III dissout la garde nationale et ne la rétablit que dans les communes où les circonstances l’exigent. La garde nationale aura dès lors une vie ralentie jusqu’en 1870. la nouvelle garde nationale « est formée en compagnie, bataillon ou légion, selon les besoins du service déterminés par l’autorité administrative, qui pourra créer des corps de sapeurs-pompiers ». (13).
Une circulaire du ministre de l’intérieur expliquait aussitôt que les effectifs de pompiers étaient trop nombreux dans l’ensemble, et que 20 pompiers suffisaient par machine (14). Dans la plupart des communes les seuls gardes nationaux seraient dès lors les pompiers, mais en effectifs plus réduits qu’auparavant.

LES POMPIERS DEPUIS LA SUPPRESSION DE LA GARDE NATIONALE

La loi du 25 août 1871 qui dissout définitivement la garde nationale précise que : « sont exceptées les compagnies de sapeurs-pompiers, à l’organisation et à l’effectif desquelles il ne sera apporté aucun changement par les autorités locales, jusqu’à ce qu’un règlement d’administration publique ait pourvu à l’organisation générale de ces corps ». (15).
Ce règlement d’administration publique allait paraître le 29 décembre 1875 (16).
Jusque là, le service rendu par les pompiers était un service obligatoire, un service militaire, même s’ils dépendaient du ministère de l’intérieur. Cela facilitait le recrutement et ne posait aucun problème sur le plan financier. Une fois les gardes nationaux supprimés, il ne pouvait plus y avoir de service obligatoire dans les pompiers. Ceux-ci pouvaient donc donner leur démission (17). Le règlement de 1875 obligea en conséquence les soldats du feu à s’engager pour 5 ans (18). Les communes, de leur côté, souscrivaient des contrats de 5 ans (19), par lesquels elles s’engageaient à entretenir pendant cette période un corps de sapeurs-pompiers. Les officiers étaient nommés par le Président de la République, et soumis tous les 5 ans à une nouvelle investiture. Les pompiers pouvaient « exceptionnellement être appelé en cas de sinistre autre que l’incendie (20), à concourir à un service d’ordre ou de sauvetage, et à fournir avec l’assentiment de l’autorité militaire supérieure, des escortes dans les cérémonies publiques ».
Ce règlement sera modifié à diverses reprises en 1903 (21), 1914 (22), 1924 (23), 1925 (24).

ARMEMENT DES SAPEURS-POMPIERS

Les pompiers n’étaient pas armés avant 1831. Maupéou, ministre de l’intérieur, écrivait en 1815 : « Il serait superflu d’allouer des fonds pour l’achat d’armes que les pompiers ne peuvent porter ni dans les manoeuvres d’essai, ni dans les incendies ». (25).
La loi du 23 mars 1831, qui en fit des gardes nationaux, les arma. La dissolution de la garde nationale en 1871, reposa le problème. L’Assemblée Nationale, dans sa séance du 13 mars 1875, décida que les pompiers pourraient continuer à être armés, mais que ceux qui seraient armés ne pourraient se réunir en armes qu’avec le consentement de l’autorité militaire. Le règlement d’administration publique de décembre 1875 le confirma (26), de même que celui de 1903 (27). Peu à peu, l’armement des pompiers tomba dans l’oubli, et l’arrêté du 13 août 1925 réorganisant les sapeurs-pompiers n’y fait plus allusion (28).

Bibliographie

(1)Rabany, les sapeurs-pompiers communaux. Commentaire pratique du décret du 10 novembre 1903 portant règlement d’administration publique sur l’organisation des sapeurs-pompiers, Paris – Nancy, 1904, 324 pages.
Comprend un bref historique des pompiers et compare les règlements de 1875 et de 1904.
Le Moniteur des sapeurs-pompiers (7e année en 1879).
(2) Lettres patentes du 12 octobre 1699.
(3) 5 novembre 1792
(4) Loi relative aux dépenses mises à la charge des communes, Bulletin des lois, 2e série, an VII, tome VII, pages 22 – 29.
(5) 5 août 1795 (18 thermidor an III)
(6) 6 juillet 1801 (17 messidor an IX), bulletin des lois, 3e série, tome III, pages 169- -176.
(7) Décret impérial du 18 septembre 1805 ; Bulletin des lois, 4e série, tome VX, pages 273 – 284.
(8) Ordonnance royale du 7 novembre 1821, Bulletin des lois, 7e série, tome XIII, pages 643 – 647.
Une ordonnance du 23 juin 1819 réduisant la garde nationale de Paris présentait « que l’organisation du corps des sapeurs-pompiers serait déterminé de manière à la mettre en état de concourir de plus en plus au servie d’ordre et de police ».
(9) Circulaire du 6 février 1815. Un exemplaire dans 13R1
(10) Loi réorganisant la garde nationale (22 mars 1831) : Bulletin des lois, 9e série, tome II, pages 74 – 75, B. n° 26, loi n° 92.
(11) En 1968, le département a 443 communes.
(12) Enquête du 10 avril 1851 (13R1).
(13) 11 janvier 1851, article 3, Bulletin des lois, 10e série, tome IX, page 18.
(14) Circulaire du 30 janvier 1852. Un exemplaire dans 11R6.
(15) Bulletin des lois, 12e série, tome III, page 90.
(16) Décret du 29 décembre 1875, dans J. O. du 10 janvier et bulletin des lois, 12e série, tome II, pages 1228 – 1235.
(17) Cette crainte apparaît dans la circulaire ministérielle du 6 mai 1876 (un exemplaire dans 13R1).
(18) Le règlement de 1925 les obligea à s’y engager par écrit.
(19) Contrats portés à 15 ans par le décret du 18 avril 1914.
(20) En 1925 cette formule deviendra (art. 1 du décret du 13 août 1925) : « Les corps des sapeurs-pompiers sont spécialement chargés des secours tant contre les incendies, que contre les périls ou accidents de toute nature menaçant la sécurité publique ». J. O. du 19 août 1925, page 8166.
(21) Décret du 10 novembre 1903, portant règlement d’administration publique sur l’organisation des corps des sapeurs-pompiers communaux (J. O. du 13 novembre 1903, Bulletin des lois, 1904, 1ère section, 1er semestre, pages 1105 – 1115).
(22) Décret du 18 avril 1914 modifiant le règlement de 1903 (J. O. du 29 avril 1914 et Bulletin des lois, n° 128, tome VI, pages 1090 – 1096).
(23) Décret du 16 mai 1924 (J. O. du 25 mai 1924, page 4642).
(24) Arrêté réorganisant les corps de sapeurs-pompiers (J. O. du 19 août 1925, pages 8166 à 8169).
(25) Circulaire du 6 février 1815 (13R1).
(26) Article 2 : « Ils peuvent recevoir des armes de l’État, mais ils ne peuvent se réunir en armes qu’avec l’assentiment de l’autorité militaire ».
(27) Article 2 : « Les corps des sapeurs-pompiers même lorsqu’ils ont reçu des armes de l’État, relèvent du ministre de l’intérieur.
Toutefois, ils ne peuvent prendre les armes qu’avec l’autorisation soit du général commandant le corps d’armée, si la réunion doit avoir lieu dans les limites de ce commandement, soit du ministre de la guerre, si elle doit avoir lieu en dehors ».
(28) Article 2 : « Les corps des sapeurs-pompiers en temps de pais, relèvent exclusivement du ministre de l’intérieur, à l’exclusion de régiment des sapeurs-pompiers de Paris ».