(Ce rapport n’a pas la prétention d’une perfection ni théologique, ni historique. Il se veut une aide de compréhension de l’acte du mariage pour tout généalogiste amateur. Rien de plus ! Et toute erreur ou omission peut être rectifiée ou complétée par qui le désire )

I-La doctrine canonique classique.

« Celui qui marie sa fille fait bien et celui qui ne la marie pas, fait mieux. », pouvons-nous lire dans l’Epître aux Corinthiens.
Telle est la justification du mariage entre laïcs par l’Eglise chrétienne de la première heure, tiraillée entre l’idéal de la virginité, de la chasteté et la crainte de la concupiscence.
Ce n’est qu’au XIIème siècle que la conception du mariage selon le droit canonique s’élabore avec le pape juriste Alexandre III.. Le mariage n’apparaît dans la liste des sacrements qu’en 1184, décision concrétisée en 1234 par le pape Grégoire IV et fixée définitivement au Concile de Florence en 1439. Cette élévation du mariage « à la dignité de sacrement » permet ainsi à l’église de légitimer sa compétence exclusive sur la validité religieuse, législative et juridictionnelle du mariage, puisque l’idée du sacrement et de ses règles aboutit simultanément à l’indissolubilité du mariage.
L’église prohibe le mariage entre parents proches ainsi que les mariages impubères, c’est-à-dire au-dessous de 14 ans pour les garçons et de 12 ans pour les filles. Autant d’empêchements qui seront étudiés en particulier sous le thème : le mariage et ses contraintes.
La doctrine tridentine prévoit uniquement en la matière du mariage : le consentement libre et mutuel des époux. La dignité de choix de l’homme et de la femme est ainsi respectée à égalité ! Mais on ne doit pas oublier néanmoins qu’une fois mariée, l’épouse devra vivre selon l’enseignement de saint Paul : « Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur, car le mari est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l’Eglise. »
Il existait deux notions de consentement :
- le « verba de futuro » = paroles pour l’avenir = équivalence de fiançailles
- le « verba de presenti » =paroles pour le présent = le mariage en soi.
Concrétisé par l’union charnelle « unitas carnis », le mariage devenait indissoluble. Si le « verba de futuro » était suivi de relations sexuelles, il devenait automatiquement mariage indissoluble.
Ce consentement libre entre époux n’implique ni la présence indispensable d’un prêtre, ni celle de parents et témoins, puisque les époux sont considérés eux-mêmes comme les ministres du sacrement..
Le mariage était donc légitime, même si son complément, la bénédiction, n’avait pas lieu. Cependant, la plupart des mariages se célébraient par le « verba de presenti », prononcé „in facie Ecclesiae“, cérémonie au cours de laquelle un prêtre donnait sa bénédiction, où les devoirs réciproques de fidélité des époux étaient proclamés.
L’église condamnait sévèrement l’adultère qui, dans les cas majeurs, pouvait être cause de « divortium », séparation de corps ou de table, qui cependant n’annulait pas le mariage.
Selon l’église, l’absence de solennité n’était pas une cause de nullité du mariage, si clandestin fût-il.
L’Eglise reconnaît bien les inconvénients des mariages clandestins qui impliquent la difficulté de prouver le serment des époux ainsi que sa date, d’où les difficultés de preuves de légitimité des enfants et les risques d’impossibilité de preuves d’indissolubilité du mariage.
C’est ainsi que le Concile de Latran de 1215, sous Innocent III, tenta bien (notamment par le canon 51) d’imposer la publication de bans ainsi que la présence d’un prêtre et de témoins, mais il n’en fit pas une cause de nullité du mariage, si bien que, jusqu’au XVIème siècle, la doctrine canonique resta telle, relativement inefficace contre les mariages clandestins et les mariages de mineurs, et sujette peu à peu à la critique des humanistes, puis des réformateurs protestants ainsi que celle des hautes sphères sociales.

II-La critique des réformateurs.

Les humanistes, notamment Erasme, préparèrent le terrain à la critique du sacrement, le jugeant comme une création récente en contradiction avec l’idéal de virginité qu’exaltait l’Eglise..
Les réformateurs, voulant en revenir à la simplicité du christianisme primitif, refusèrent le sacrement du mariage, n’y voyant qu’un moyen pour l’église de s’immiscer dans la vie du couple.
Leur critique s’étendit contre l’obligation du célibat ecclésiastique, contre la question du consentement, les multiples empêchements au mariage et contre la validité de certains mariages.
Luther parlera d’une « honteuse casuistique » et refusera le sacrement du mariage en 1520 dans son « de captivitate ». En laïcisant le mariage, il en fait une affaire de conscience individuelle qui, en cas de disparition de « l’affectus conjugalis », élimine l’indissolubilité absolue. Dans son « Sermon sur le mariage », il considérera le mariage comme une nécessité naturelle qui exclut les vœux de chasteté et le célibat ecclésiastique. Cependant, Luther hésitera à reconnaître le divorce puisque l’acte conjugal induit en pêché, que Dieu seul, par miséricorde, pardonnera à l’homme. Calvin, comme Théodore de Bèze, n’admettront le divorce qu’en cas d’adultère.
Calvin soutiendra lui aussi que le mariage n’est pas un sacrement, car, nulle part n'existe une justification dans le Nouveau Testament. La réglementation doit être un « état public ».
Les réformateurs, remettant en cause la notion de sacrement, accepteront la nécessité du libre consentement des époux, mais critiqueront toutefois la doctrine consensualiste de l’église, qui soutenait ainsi les risques de la clandestinité du mariage.
Ces idées protestantes rejoignent alors les préoccupations contemporaines des couches sociales nobles et bourgeoises. Le mariage était devenu un enjeu important, gage de mobilité ascendante où toute mésalliance risquait de compromettre l’honneur et la fortune d’une famille.
En ce sens, les réformateurs insisteront sur l’opportunité du consentement des parents, surtout pour les enfants mineurs. Luther en fera même une condition de la validité d’une union, tandis que Calvin insistera aussi sur une surveillance des consistoires pour que les parents n’abusent pas de ce droit en contraignant les enfants mineurs.
Les réformateurs critiqueront également la confusion possible entre « paroles du présent » et « paroles du futur » et les risques de relations prénuptiales.
Ces critiques vont amener les Eglises réformées à réintroduire une cérémonie nuptiale et des règles de discipline, en contradiction avec leurs principes initiaux.
Une formule de mariage en deux temps sera introduite, mais ne pourra être imposée partout.
Luther demandera que les fiançailles, « spontalia » soient solennelles, promesses conclues en présence de témoins, qui seront la fondation du mariage, mais non sa consommation, celle de la vie commune qui ne pourra avoir lieu qu’après la publication de trois bans (environ 6 semaines après le délai) et la célébration du mariage au temple par un pasteur.
Des ruptures de promesses sont/seront possibles en accord mutuel.
C’est au synode de 1559 que cette pratique du mariage « en deux temps » sera introduite en France selon le modèle de Genève. Mais, s’adaptant mal en France à la concurrence des officialités et des tribunaux royaux, s’assimilant aussi plus ou moins bien au « verbo de futuro », le système des mariages en deux temps sera abandonné au synode national de 1612.
L’usage de solenniser « en face d’Eglise » les paroles du futur a probablement créé une confusion entres fiançailles religieuses et mariage.
Le synode de Privas en 1612 rapporte que : « il y a autant de différence entre les paroles du présent et les paroles du futur, qu’il y en a entre promettre et donner »
C’est alors, qu’en France, les protestants se conformeront à la législation royale.

III-La Contre-Réforme et le Concile de Trente.

Les thèses protestantes vont obliger les Pères du Concile de Trente à redéfinir le mariage.
Dès 1547, par le décret « de sacramenti », le Concile réaffirme le caractère sacramentel du mariage. Après des interruptions dès 1549, le Concile de Trente ne reprendra les discussions qu’en 1563, date à laquelle, après 14 sessions, apparaîtront les 12 canons du décret « de reformatione matrimonii »
Toute personne sera « anathème », qui n’acceptera pas la définition du mariage par l’Eglise :
Le mariage est un sacrement (canon 1), il est monogamique (canon 2), indissoluble (canon 5 et 7), avec éventuelle séparation de corps (canon 8), interdit au clergé régulier et séculier (canon 9), soumis à de nombreux empêchements, voir « tempus ferrarium » (canon 11) ou nombreuses dispenses (canon 3 et 4), soumis à la compétence ecclésiastique (canon 12), il est également un état inférieur à celui du chaste célibat (canon 10).
Ce décret de « réforme matrimoniale » porte mal son nom puisque par ses 12 canons, il confirme la doctrine canonique classique.
Mais 10 chapitres composent aussi le « de reformatione matrimonii » dont le plus connu est le décret de « tametsi » du 11 novembre 1563 ( voir texte ), ainsi désigné par le premier mot du décret que le Concile adopte sous la pression des Prélats de France et des ambassadeurs du Roi pour écarter les risques de la clandestinité du mariage.
Après de longs débats, les Pères de l’Eglise reprennent les exigences du Concile de Latran : publication de bans pendant trois dimanches consécutifs, obligation de célébration par le propre curé de la paroisse des époux en présence de deux témoins, obligation aussi aux curés d’inscrire les noms des époux comme preuve du mariage. (« In facie ecclesiae praesente parocho »)
L’Eglise prohibe ainsi les mariages clandestins, permet ainsi l’annulation d’un mariage – seule réforme visible !- mais déçoit les prélats français en frappant d’anathème, « ceux qui affirment à tort que sont nuls les mariages contractés par les fils sans le consentement des parents ».
En effet, dans la pratique, les inquiétudes des familles sont grandes puisque l’Eglise refuse l’intervention des parents dans l’enjeu du consentement au mariage, et ne considère pas pour invalides les mariages de mineurs.

IV-La réaction des prélats français et du pouvoir royal.

Bien avant le Concile de Trente, le pouvoir royal avait fait enregistré par le parlement en Août 1539 l’Ordonnance de Villers-Cotterets, première étape de preuve de validité du mariage . Suite au scandale célèbre la veille du mariage de Diane de France, fille naturelle du Roi avec François de Montmorrency, où le père de ce dernier apprend le mariage secret de son fils avec Jeanne de Pienne, fille d’honneur de la Reine, le Roi sollicite le pape d’annuler ce mariage. Le pape Paul VI refuse d’invalider cette union.. Sous la pression du clergé français en plein Concile de Trente, la réponse du pape ne se fera connaître qu’en 1563 par le décret « tametsi ».
Le succès attendu se faisant attendre, et sous la pression de Montmorrency père, en février 1556, Henri II fait publier un édit sur les mariages clandestins, édit qui, sans annuler les mariages clandestins, les condamne sévèrement et pose le problème de la majorité matrimoniale à 30 ans pour les fils et à 25 ans pour les filles.. Avant cette majorité, l’accord des parents est indispensable et même après cette majorité, les enfants doivent solliciter l’ « advis et le conseil » des parents.
Cet édit de 1556 stipule les mariages sans accord parental comme « criminels », même s’ils restent valables selon le droit canon.
En 1563, le roi décide alors que le décret « tametsi » est incompatible avec les droits de la Couronne et de l’Eglise gallicane, le Parlement refusera, sous prétexte des mariages clandestins, l’application des décrets du concile, surbordonnée à son enregistrement et finalement le décret ne fut jamais reçu. Le Roi prévoyait des textes officiels qui ne viendront jamais, puisque les parlements s’opposeront de même à leurs enregistrements.
Cependant, peu à peu des ordonnances paraîtront :
1° L’ordonnance de Blois en 1579
Elle deviendra la pièce maîtresse en France en matière matrimoniale.
Dans son article 40, l’ordonnance exige en France la publication de trois bans successifs, puis une célébration devant le curé et quatre témoins (et non deux comme le demandait le Concile !).
L’article 181 impose aux curés de tenir des registres transmis aux greffes des tribunaux royaux.
Cette ordonnance renouvelle la majorité matrimoniale de 1556 sous peine de sanctions civiles et pénales, entre autre la possibilité d’exhéréder et d’élargir aux dots ou autres avantages nuptiaux.
Enfin, dans son article 42, l’ordonnance sanctionnera de peine de mort « ceux qui se trouveront avoir subordonné fils et filles mineurs de 25 ans sous prétexte de mariage.. sans le consentement exprès des pères et mères et tuteurs. »
Cet article assimile le mariage avec un ou une mineure, sans l’accord des parents, à un rapt, crime puni par la loi.
2° L’ordonnance de 1606
Elle renouvelle les dispositions de 1579.
En 1615, l’Eglise gallicane, quant à elle, décide d’appliquer les textes du décret « tametsi ».
D’autres édits royaux vont suivre en reprenant les prescriptions tridentines du mariage, mais en soulignant la solennité de l’ordonnance de Blois.
3° L’ordonnance de janvier 1629
Elle est connue sous le nom de Code Michau. Elle souligne les formalités de mariages de mineurs (majorité matrimoniale à 30 ou 25 ans selon le sexe, consentement des époux mais accord des parents avant et même après cet âge)
Le mariage sans accord des parents est considéré comme « mariage de rapt » qui reste juridiquement un problème ambiguë. Comment prouver qu’il y a « rapt », acte de violence, alors que les époux consentent ?
Le curé doit être celui de la paroisse où l’un des époux vit (« proprius parochus »)
4° L’ordonnance du 26 novembre 1639
Cette ordonnance souligne le rôle actif du curé qui devient le ministre du sacrement en recevant le « consentement des époux » et en les conjoignant..
Le fait d’épouser une personne sans l’accord des parents est assimilé à un « rapt de séduction », invention du droit français, le consentement des époux ne suffisant plus !
Le rapt de séduction tombe, de ce fait, au même rang que le rapt de violence. Et le curé qui participe à un tel mariage est considéré comme « fauteur du crime de rapt ».
Et puisque le droit canon avait depuis longtemps proclamé la nullité des mariages de rapt, les Parlements vont alors se juger compétents en la matière, attitude qui provoquera l’opposition des officialités.
Les mineurs qui passent outre cette ordonnance sont alors soumis à la procédure des « sommations respectueuses », acte notarié où les futurs époux, en cas de refus de consentement des époux, sont tenus de leur demander « conseil ».
Cette ordonnance annule aussi les « mariages à la Gaulmine » que l’Eglise validait. (Gilbert Gaulmin, juriste du Nivernais, avait contraint son curé à être témoin à son mariage devant deux notaires !)
C’est à peu près à cette époque (mode des mariages à la Gaulmine ), que, quelques trente ans après le synode protestant de Privas, de nombreux évêques de France décideront ou bien de ne faire célébrer les fiançailles que 2 ou 3 jours avant le mariage, ou bien de les interdire. Ainsi l’explication de l’évêque d’Alet en 1640 :
« Pour ôter l’abus qui s’est glissé dans ce diocèse par l’ignorance de plusieurs, qui croient étant fiancés en présence d’un prêtre pouvoir légitimement cohabiter avec leur partie, d’où naissent des concubinages de plusieurs années et de très scandaleux divorces, avec une infinité de procès, nous défendons à tous prêtres d’assister à l’avenir à aucunes fiançailles, et pour le regard de ceux qui sous prétexte des dites fiançailles cohabitent à présent, ils leurs feront les mêmes monitions que dessus. »
Et le pouvoir royal continuera à élaborer d’autres ordonnances, qui prouvent combien les précédentes n’étaient toujours pas suivies à la lettre en pratique, car elles ne sont que des précisions sur les textes antérieurs.
Il y aura ensuite:
5° L’ordonnance d’avril 1667
En 1670, sous Colbert, un traité légitime la compétence des parlements en matières matrimoniales. Le mariage était devenu, peu á peu une composition de deux éléments qui lient les époux :
-un sacrement, relevant de l’Eglise
-un contrat civil, relevant du droit
6° L’ordonnance de décembre 1691
7° L’ordonnance de février 1692 sur les mentions de dispense sur les registres, sur la nécessité de la bénédiction pour la validité du mariage
8° L’ordonnance de mars 1697 , toujours sur les formalités de règlement du mariage
9° La déclaration du 9 avril 1736 sur la tenue des registres paroissiaux (un double obligatoire !)
Toutes ces ordonnances aboutiront à la définition de l’Encyclopédie :
« Le mariage est parmi les chrétiens un contrat civil, revêtu de la dignité du sacrement », ou à la définition analogue de Voltaire dans son Dictionnaire Philosophique :
« Le mariage est un contrat de droit des gens, dont les catholiques romains ont fait un sacrement »
A la fin du XVIIIème, le traité du juriste Pothier amènera à la réflexion que le mariage est un contrat avec engagement réciproque, soumis à l’autorité séculière et pouvant être annulé si les formalités et règles séculières ne sont pas suivies. Quant au droit canon, selon lui, il ne peut s’appliquer qu’au sacrement et les empêchements prévus par l’Eglise ne peuvent avoir d’effet que par la volonté du Roi.
La sécularisation du mariage par la Révolution est proche !